dico portatif

C’est un dictionnaire datant de 1815. Hier, plusieurs dizaines de livres anciens, écornés dont le papier a encore l’odeur d’autres siècles et dont nous avions, intentionnellement, oublié l’existence ont refait surface dans ma cave sans crier gare. En sentant le papier, tout de suite des images de meubles en bois foncé me reviennent, de poussière en suspension dans de larges raies de lumière, murs rouges et boiseries noires du salon puis des voix et des visages qui évoquent quelque chose de doux. Dans ce parfum de la maison de mon enfance, les vieux livres étaient fort présents.

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Mais, maintenant ils m’embarrassent un peu. Ce ne sont pas de beaux livres pour collectionneurs. Ils sont râpés et portent les affronts du temps et des déconvenues familiales. Il va falloir faire un choix entre ceux que je garde ou non. C’est délicat. En tournant les pages, tout à coup on découvre un papillon aplati, puis une feuille de capucines ainsi qu’une délicate fougère, quelques pages plus loin à la lettre O, une violette et un second papillon, derniers habitants de mes souvenirs.

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Qui a glissé ces trophées séchés entre les pages et les a oubliés? Il se pourrait qu’il s’agisse de mon grand-père. Enfant, il se serait servi du dico portatif de sa grand-mère comme presse, ayant l’intention de tout coller dans son herbier plus tard. C’est juste une impression car je n’imagine pas du tout un adulte réserver le même traitement aux deux papillons qu’aux fleurs de violette. Si c’est le petit André qui a commencé quelque chose et l’a oublié, alors ces papillons ont très bien pu prendre leur dernier envol il y a une bonne centaine d’années. Et moi qui les extirpe de leur épais cocon de papier imprimé, de ce livre délaissé par des générations rechignant à apprendre le néerlandais, ce livre resté clos, ultime protection lors de deux guerres mondiales pour les scanner, pour les exposer à la vue de tous. Quel manque d’égard. Alors que tant de fougères se sont décomposées en humus, loin de toutes bibliothèques, je ne cache pas le plaisir que j’éprouve en inspectant les détails de cette fronde de fougère en particulier, ses petits sacs de spores, sa découpe dentelée. C’est une voyageuse dans le temps.

Comment (1)

  1. benny wrote::

    M’est d’avis que vous pouvez retrancher cinquante ans à vos papillons parce que moi, André, je l’imagine parfaitement à tout âge, collant pêle-mêle des violettes et des piérides dans son dictionnaire hollandois-françois.

    mardi, février 28, 2012 at 1 h 30 min #